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31 janvier 2011

Chapître 15 - Finistère, hiver 2009. Automne 2010.

Yesirah s’était recluse de jours en jours. De retour au pays de la mer et des brumes, qui l’avait vu naître, elle s’était pliée à la mélancolie des saisons, au silence des dunes, à l’opacité de l’eau grise.

Quelques jours après sa rupture d’avec Darkam, elle avait plongé dans la mer froide, en quête du silence parfait, là où le remords n’atteint pas les tympans.  La morsure initiale du froid avait produit l’effet brutal qu’elle recherchait.  Elle avait nagé longtemps. Les membres raidis s’étaient déliés à mesure que la température de son corps s’accordait au liquide. Elle laissait ses bras l’emmener. Elle n’avait rien trouvé, aux abords du large. Rien que l’horizon droit et insondable. Sentant de nouveau les effets du froid, elle était rentrée amère.

Une fatigue inexplicable avait eu raison de son énergie et de son corps. Elle se laissa doucement aller. L’automne passa, l’hiver égrena ses jours vides. L’image d’Antise était partout. Elle s’y reliait volontairement. Elle se mit à imaginer qu’ils étaient en lien. Elle lui écrivait, toujours. Il ne répondait pas ; elle savait qu’il la lisait. Elle s’égarait dans les limbes du souvenir, croyait ressusciter sa présence, et dans des accès de fièvre, s’imagina un soir qu’il répondrait à ses invitations. Qu’il réapparaîtrait sur la frange de dune affaissée où ils s’étaient assis, un soir d’août, silencieux et réunis, après une ultime tempête. Il n’était pas venu, et à force de susciter son image, elle avait construit sa vie autour de son attente. Les périodes de fièvre où son imagination délirait alternaient avec des semaines d’abattement. Apathique, Yesirah se traînait de jours en jours, l’esprit troué, ouvert aux courants d’airs, errant sans but à travers le monde des autres. Les menus événements qui l’auraient stimulée avant l’indifféraient. L’été qui déroula ses paysages sublimes creusait son mal être, l’approfondissait. Les gens lui paraissaient insipides et inaptes à réveiller son intérêt. Elle ne quittait plus son appartement, qu’elle avait meublé sommairement, une petite mansarde sous les toits, confortable et douillette. Elle n’y fit entrer personne durant des mois. Confite dans la chaleur de sa bulle, elle se laissait mourir.

Dans des moments de lucidité, elle se voyait d’en haut, détruire sa personne à petit feu, lentement, sans que le monde extérieur s’en rende compte. Dans un sursaut de conscience, elle fit appel à un de ses anciens amis. C’était la seule personne face à qui elle pût se sentir autorisée à être ce qu’elle était- une femme en deuil, vieillie trop tôt, se débattant avec le vide. Ils se virent de plus en plus souvent. Un semblant de vie lui revenait parfois. Elle s’y accrocha.

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