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26 janvier 2011

Chapître 3 - Paris, novembre 2010

Antise éteignit son téléphone sans répondre au message.

-Tu es en train de finir la bouteille chéri ? Railla Claudia. Et d’un ton radouci : Ne t’inquiète pas, si on voit que ça tourne au repas plan-plan, on ne restera pas tard. Promis.

Antise prit sa respiration et la rejoignit dans le salon. Claudia le comprenait sans qu’il ait à s’expliquer en long et en large ; elle trouvait toujours les mots pour l’apaiser. Elle ne faisait jamais d’histoires ; sa franchise, son honnêteté, étaient un repos pour l’esprit. Il regarda sa silhouette droite et claire, qui se découpait avec netteté dans le velours brun du canapé. Ses cheveux bruns et raides, noués en chignon serré, découvraient un visage posé et rieur. Il se dit qu’il avait de la chance.

-Et si on mangeait ? proposa-t-il. J’ai ramené des sushis du resto que tu aimes bien.

-Oh, c’est gentil ! Bonne idée...

Antise  retourna à la cuisine, enfourna les barquettes de riz au micro ondes, entreprit de disposer sushis et sashimis dans les assiettes, et attrapa la sauce nuoc Nam dans le réfrigérateur. Il jeta un oeil machinal vers le téléphone. Il l'avait bien éteint. Le micro ondes sonna et il sortit les barquettes fumantes et parfumées. Il plaça le tout sur un plateau et rejoignit Claudia.

-Mmmh, ça sent bon !  j’ai faim!

Antise déposa le plateau sur la petite table basse après l’avoir débarrassée des manuscrits de Claudia. Il saisit les baguettes entre ses doigts et porta un morceau de thon rouge à sa bouche.

-Tu as raison, excellente cuisine- le thon est super fondant !

-M-M  approuva Claudia la bouche pleine. Et quand elle eût fini sa bouchée : « J’ai toujours l’impression de me faire du bien quand je mange ça – pas toi ? »

-Bah, je sais pas si je pourrais vivre sans big mac moi hein...

-Tu rigoles ?

-Ah non non,pas du tout,  j’adore les big macs.  Le visage d’Antise se fendit d’un sourire juvénile. -Y a quoi à la télé ce soir ?

-Ooof, je sais pas. Rien, je crois. On se met un dvd plutôt ?

- ok…si on choisit à deux.

Antise empila les deux assiettes, poussa le plateau au bord de la table et allongea ses jambes dans un soupir de détente.

-Ah non non non , tu vas pas t’en tirer comme ça! C’est mon tour, tu ne te rappelles pas ? Claudia rit. "Allezzz…une comédie romantique. La dernière fois on a regardé ton film d’agents secrets, là, je sais plus le titre…"

Fatigué de sa journée de bureau, la tête pleine de pensées confuses, Antise accepta mollement. La digestion commençait à faire son effet et il sentait son corps s’alourdir et s’adapter doucement au canapé moelleux. Une comédie romantique, si cela pouvait lui faire plaisir…Antise sentit la torpeur de la détente envahir ses membres, tandis que Claudia insérait « vingt- huit robes » dans le lecteur.

(A l’écran, une jeune femme blonde commande à une vendeuse les bouquets pour un mariage que selon toute vraisemblance elle est chargée d’organiser. Elle est dynamique, polie,  paraît nerveuse, enchaîne les phrases et s’agite.)

-Claudia, c’est nul…on sait déjà la fin…

-Mais c’est la première scène.. !

-je sais mais regarde : on parie ? Elle est dégoûtée que ce soit pas son mariage à elle, refoule et noie son chagrin dans une hyperactivité chronique, au tiers du film va rencontrer quelqu’un qui va bouleverser ses certitudes, va résister, sa carapace va se fendre et ils vont finir par se marier, end of all folks. On parie ?

-T’es chiant.

(La jeune femme blonde sort de la boutique, se retrouve dans la rue ; la rue est bondée de passants ; elle regarde à droite et à gauche ; un vieux couple traverse la rue sur le passage piéton ; gros plan sur le visage de la jeune femme.)

-Bon, ouais…t’as pas complètement tort. Mais moi ça me touche, j’y peux rien ! T’es insensible aux sentiments élémentaires, voilà ce qu’il y a.

Antise éclata de rire.

-Bon Miss…l’insensible aux sentiments élémentaires aimerait parler un peu vacances.

Claudia détacha les yeux de l’écran et l’excitation fit briller ses pupilles noires.

-Tu les as posées ? C’est vrai ?

Antise acquiesça.

-Super ! Alors, ajouta Claudia ignorant à présent la succession d’images sur l’écran, j’ai pensé à plusieurs destinations. Comme c’est l’hiver et qu’on doit économiser sur l’appart, je me suis dit pas de folies, on garde la Réunion pour plus tard. En fait j’ai pensé qu’on pourrait se faire une petite semaine en chambres d’hôtes, en Normandie…faire des longues balades sur la plage avec des écharpes chaudes…manger de la tarte aux pommes…faire du feu dans la cheminée le soir…Qu’en dis-tu ? On pourrait aller à Dieppe par exemple ?

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