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31 janvier 2011

Chapître 11 - Finistère, novembre 2010.

Yesirah se redressa sur  le canapé. Cette phrase l’avait retournée. A l’époque et dans sa confusion, elle ne l’avait pas comprise. Elle alluma son ordinateur et porta la tasse de thé brûlant à ses lèvres, l’élancement de la brûlure la fit sursauter, elle la reposa. Aujourd’hui, elle savait pourquoi elle avait menti .Elle savait aussi que si elle ne l’avait pas fait, elle n’aurait pas brisé la confiance. Pas seulement celle d’Antise ; la sienne aussi ; ou plutôt la leur. Elle aurait invité ses peurs et ils les auraient apprivoisées. Mais non ; elle s’était enfoncée dans le mensonge et c’était du rêve éveillé, ce qu’elle faisait là, assise dans son canapé à 6 heures de route de lui, au fin fond de la Bretagne. Peu à peu, elle était devenue l’épiée, lui l’espion.  La coupable et le juge, la trompeuse et le trompé. Quelque chose s’était déplacé et ils n’avaient pas pu échapper à leurs nouveaux rôles.

Oui, au cours des jours qui suivirent, quelque chose avait changé.  Une tension s’était installée entre eux, qui se résolvait par des pénétrations plus violentes qu’à l’accoutumée. Yesirah riait moins, elle était inquiète. Antise se levait parfois la nuit. Après, tout était allé très vite. Les personnages qu'ils étaient devenus s'étaient éloignés, étaient devenus rivaux. Ils avaient essayé de s'y soustraire. En vain.

Yesirah vérifia d’une main que la porcelaine de la tasse ne brûlait plus. Elle but de lentes gorgées de thé. Finalement, vous n’aimez pas qu’on vous aime. Les paroles du psychiatre qu’elle avait vu à cette période lui revenaient en boucle. Des bribes d'analyses inondèrent son esprit par saccades. Parents autoritaires et rigides...enfant bridé...soif de liberté combattue...inhibition...sur-moi trop développé...sensibilité mutilée...enfance escamotée... Sans doute avaient-ils raison. Elle avait poussé tant bien que mal  avec la conviction d'être coupable d'une sorte de monstruosité, d'anormalité indicible. Une femme escamotée comme une moitié de lune. Elle reposa la tasse. La boisson diffusa sa chaleur dans la poitrine et le plexus. Au milieu de cette tempête de pensées, Yesirah se sentait détendue. Elle mesurait le chemin parcouru; en trois ans, et sans trop savoir comment, elle avait fini par s'aimer. Pour essayer de comprendre pourquoi elle avait fui l'amour d'Antise, elle devait à présent fournir un effort de mémoire; se remettre dans la peau de la jeune femme égarée. Et elle parvint une nouvelle fois à la même conclusion. L'ampleur et les implications de l'amour d'Antise l'avaient alors effrayée; elle avait fui pour protéger l'espace de liberté qui lui restait, elle avait fui l'intimité qu'ils partageaient. Elle s'était fuie elle-même.

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